samedi 11 mai 2013

Dracula en classe... Attention aux morsures !


LE FANTASTIQUE ET DRACULA

Contexte : classe de 22 élèves de 3e année secondaire générale.

  1. Premier jet : je demanderai aux élèves d'écrire un court texte (entre vingt et trente lignes) dans le but de faire peur. Ce premier jet servira d'évaluation formative et diagnostique.
  2. Mise en situation afin d'exprimer les connaissances préalables des élèves : je donnerai aux élèves la reproduction d'une peinture fantastique, un extrait d'un récit fantastique, etc. et je leur demanderai de donner leur ressenti, leurs réactions, etc.
  3. Induction des caractéristiques propres au genre fantastique : je proposerai à mes élèves un bain d'extraits de romans merveilleux, de science-fiction et fantastiques dont certains venant du livre Dracula de Bram Stoker. Je leur demanderai de trier les différents extraits afin d'arriver à la répartition attendue (merveilleux - science-fiction - fantastique). Nous terminerons par une synthèse et je donnerai la définition du fantastique.
  4. Le schéma fantastique : à travers la lecture d'une nouvelle de Thomas Owen, je demanderai aux élèves de repérer les différentes parties du texte au moyen d'une série de questions. Je continuerai à travers l'analyse de différents axes : le personnage principal, le cadre spatio-temporel, etc. Je renverrai ensuite les élèves à leur premier jet et ils devront apporter des modifications en fonction de ce qui aura été vu.
  5. Les champs lexicaux : à travers certains extraits de Dracula, que les élèves recevront par groupes, je leur demanderai qu'ils essayent de définir l'impression dégagée par le texte et de souligner les mots qui permettent cela (côté sanglant : hémoglobine, sang, etc.). Je continuerai en leur proposant quelques exercices sur les champs lexicaux (retrouver, créer, etc.). Je renverrai ensuite les élèves à leur premier jet et ils devront apporter des modifications en fonction de ce qui aura été vu.
  6. Dracula et les vampires : il s'agit ici d'un exercice de dépassement. Je demanderai aux élèves de réfléchir à l'image même du vampire proposée par Stoker et par d'autres écrivains comme Rice, Smith, Meyer, etc. Pour ce faire, ils recevront certains extraits préalablement choisis. Cette partie me semble vraiment intéressante vu le phénomène "vampire" actuel.
  7. Evaluation formative : je distribuerai aux élèves une reproduction du tableau Le cauchemar de Füssli. La consigne sera la suivante : "Ecrivez une nouvelle fantastique d'une trentaine de lignes en respectant les caractéristiques propres aux genres et en imaginant que ce que vous voyez sur le tableau de Füssli correspond à la situation finale de votre histoire".
  8. Evaluation certificative : je demanderai aux élèves d'écrire une courte nouvelle fantastique (trentaine de lignes) dans laquelle ils devront imaginer qu'ils rencontrent Dracula en personne.
 
Antoine Tintin  

jeudi 9 mai 2013

Qu'il fût lu?

ORSENNA (E.), Les Chevaliers du Subjonctif
             Paris, Le Livre de Poche, 2005. 
     
    Les Chevaliers du Subjonctif reste dans la lignée de La Grammaire est une chanson douce. Ce deuxième tome romance encore une fois la grammaire française, mais ne s’attarde plus sur les classes grammaticales. Il met en avant les différents modes de conjugaison et se centre véritablement sur le subjonctif qui tombe de plus en plus en désuétude.

     Nous retrouvons dans ce roman les protagonistes de La Grammaire est une chanson douce. Jeanne est devenue une adolescente en quête d’amour et son frère rêve d’aventures. Toutefois, le contexte n’a pas vraiment changé : Nécrole est toujours le dictateur de l’Archipel des Mots et Mme Jargonos toujours à son service. La police traque tous les opposants...


ORSENNA (E.), Les Chevaliers du Subjonctif,
Paris, Le Livre de Poche, 2006.
     Tout va relativement bien jusqu’à ce que Thomas disparaisse et que Jeanne soit arrêtée. C’est avec l’aide du cartographe qu’elle va pouvoir être libérée et partir à la recherche de son frère. Après avoir survolé plusieurs îles, ils atterrissent sur l’île des Subjonctifs, les ennemis de Nécrole. Jeanne va découvrir à travers ce peuple le pouvoir de l’imagination et de la liberté. Elle comprendra également que l’amour est une variété du subjonctif, le mode du rêve et du désir…

     Il est vraiment agréable de lire ce texte aux accents poétiques : Orsenna nous offre un monde plein de merveilles grammaticales. Les petites illustrations qui égayent notre lecture font penser à celles du Petit Prince de Saint-Exupéry, roman qui m’accompagne depuis ma plus tendre enfance.

     Comme je l’ai dit, avec Les Chevaliers du Subjonctif, Orsenna retrace le destin du subjonctif que nous essayons de supprimer tant bien que mal, à l’instar de Nécrole, pour lui substituer un parfait et si « simple » indicatif. Cette réflexion sur l’emploi des différents modes et leur signification revient comme un leitmotiv tout au long du récit. 

     Je pense qu’Orsenna s’est véritablement attardé sur l’apprentissage du subjonctif car c’est un mode assez complexe et qui est de moins en moins utilisé, surtout à l’oral. Je pense que ce livre permet enfin de nous expliquer l’utilité de ce mode : c’est le mode du possible, le mode de l’amour, le mode du rêve. Et c’est en cela que Nécrole est effrayé. Lui qui vit sur l’île de l’indicatif, le mode de ce qui est, se doit d’avoir peur du possible : ce qui est possible, c’est tout ce qui peut exister.  

     J’ai eu l’occasion de lire les trois premiers romans de cette suite grammairienne. La Grammaire est une chanson douce qui s’attardait sur les classes de mots et les rapports qu’ils entretiennent entre-eux ; Les Chevaliers du Subjonctif qui expliquait les différents mode et l’importance du subjonctif ; La Révolte des accents qui traite de notre paresse actuelle qui consiste à omettre les accents, surtout dans le langage SMS. Pour ce qui est des deux suivants, Et si on dansait ? et La Fabrique des mots, je me réjouis de les lire. J’espère que l’art d’Orsenna qu’on retrouvait dans les trois premiers tomes sera également présent dans les deux derniers.

     Je terminerai en disant que je conseille Les Chevaliers du Subjonctif aux petits, aux moyens et aux grands : Les Chevaliers du Subjonctif est un livre universel qui se décline à tous les âges. J’en parlais d’ailleurs avec ma grand-mère et elle me disait qu’elle hésitait toujours pour certaines formes de ce mode de la conjugaison ; pour ce qui est de mon frère, n’en parlons pas : un indicatif vaut toujours mieux.

     Ce livre peut redonner courage à ceux qui commencent à en manquer ; ce roman peut redonner le sourire à ceux qui commencent à le perdre ; cet écrit peut rendre les humains que nous sommes aux rêves qui s’envolent lorsque l’enseignant emploie le mot maléfique : «SUB-JON-C-TIF ». 
Antoine Tintin 

samedi 4 mai 2013

J'ai les crocs !



STOKER (B.), Dracula, Paris, L'École des loisirs, coll.: "Classiques abrégés", 2005.

AVANT DRACULA

      Certes, Bram Stoker n'est pas l'instigateur du mythe des suceurs de sang : les vampires existent depuis la nuit des temps. Ils sont généralement représentés comme des êtres monstrueux et sont présents dans la majorité des cultures. En voici quelques exemples :
  • Dans la culture hébraïque, le vampire trouverait son origine dans une vieille version de la Bible avec Lilith. Cette femme eut été la première compagne d'Adam et aurait été, tout comme lui, créé à partir de la poussière. Elle se serait enfouie du jardin d'Eden. Dieu, dans Sa bonté, a ensuite créé Eve à partir d'une des côtes d'Adam pour qu'il ne soit pas seul. Lilith, voyant cela, aurait juré de se venger de tous les enfants d'Eve en leur suçant le sang. Certains prétendent que Lilith se serait changé en serpent pour tenter Eve.
  • Dans la culture greco-romaine, le vampire actuel serait l'empusa. Fille de la déesse Hécate, elle passait la nuit pour sucer le sang des personnes endormies.
  • Dans le folklore japonais, le vampire est également présent avec la figure du Nukekubi. Il s'agit d'une créature nocturne dont la tête peut se détacher du reste du corps et voler pour attaquer les vivants.  
Le Nukekubi

DRACULA, UN MONSTRE QUI INSPIRE DEPUIS 1897

      Nous l'avons dit, depuis sa sortie, Dracula et ses congénères ne cessent d'inspirer de nombreux films, romans, etc. Le thème du vampire a toujours intéressé l'Homme pour sa capacité à vivre éternellement... N'est-ce pas un rêve universel que de vouloir être immortel? 

      Quoi de plus immortels, si ce ne sont les vampires, qu'un film ou qu'un roman? Arrêtons-nous quelques instants sur le monde des suceurs de sang et leurs mordus.

      Pour ce qui est des films, pensons à : 
  1. Nosferatu le Vampire (Nosferatu, eine Symphonie des Grauens) de Friedrich Murnau,sorti en 1922. 
  2. Dracula, de Tod Browning, sorti en 1931. Très important puisque c'est l'image du bellâtre de Bela Lugosi qui va changer radicalement la vision du vampire qui nous était présentée. 
  3. La fille de Dracula (Dracula's Daughter), de Lambert Hillyer, sorti en 1936.
  4. Dracula, de John Bahdam, sorti en 1979.
  5. Dracula, de Francis Ford Coppola, sorti en 1992. J'ai eu l'occasion de voir le film, et j'avoue l'avoir vraiment bien apprécié. Il est assez fidèle au roman et le jeu de Gary Oldman, le futur Hagrid dans la série des Harry Potter, est excellent. 
  6. Dracula 2000, de Patrick Lussier, sorti en 2000. Attention, ce film est une bonne vieille daube ! Toutefois, soulignons que le personnage de Dracula a été influencé par celui de Browning. 
  7. Fascination (Twilight, part. I), de Catherine Hardwicke, sorti en 2008. Une fois encore, un vampire sexy, loin des cadavres d'antan.
  8. Fright Night, de Craig Gillespie, sorti en 2011
  9. Hôtel Transylvanie, de Genndy Tartakovsky et Jill Culton, sorti en 2012. 
  10. ... 
      Pour ce qui est des séries, pensons à : 
  1. Buffy contre les vampires, créée par Joss Whedon. À voir absolument ! 
  2. Angel, créée par Joss Whedon et David Greenwalt. À voir également ! 
  3. Being Human (US), créée par Jeremy Carver et Anna Fricke. Si on aime les séries un peu moins "Hollywoodisées", il ne faut pas hésiter. Il existe d'ailleurs une version de cette série, tournée par des anglais : Being Human (UK).
  4. True Blood, créée par Allan Ball, inspirée de la série livresque La Communauté du Sud, de Charlaine Harris. Entre nous, cette série est un peu *il m'aime, il ne m'aime pas, il m'aime, il ne m'aime pas". De plus, le personnage central se révèle être une fée au sang magique. J'ai arrêté dès que j'ai entendu cela. 
  5. Vampire Diaries, créée par Julie Plec et Kevin Williamson, inspirée des romans Journal d'un vampire, de L.J. Smith. Je vous conseille vivement de regarder cette série. Même si, de temps en temps on retrouve de petites histoires d'amours un peu plates, nous sommes face à de vrais vampires pouvant être sanguinaires. Le suceur de sang n'est pas édulcoré... Cela fait du bien ! 
  6. ... 
MON AVIS SUR DRACULA DE BRAM STOKER

      Avant même d'ouvrir le livre, je me réjouissais de découvrir enfin l'histoire fondatrice de ce mythe contemporain. J'ai tout d'abord été surpris de voir que le livre ce découpait en extraits de journaux intimes, etc., mais cela ne m'a aucunement dérangé. Je trouve que ce type de découpage permettait de rendre encore plus vraisemblable l'histoire. 

      Je ne regrette pas d'avoir lu la version abrégée de l'histoire, c'est un expérience à mener au moins une fois dans sa vie. Disons-même que cela m'a donné envie de lire la version intégrale, roman que je n'aurai peut-être pas osé ouvrir jusqu'à maintenant. 

      Je pense que ce livre est abordable en classe de français avec des élèves de 2e année voir de 3e année. Même si le livre peut sembler difficile au premier abord, pourquoi ne pas tenter de l'offrir aux élèves à travers un cercle de lecture ou une lecture progressive? S'ils prennent leur temps, je pense qu'ils apprécieront réellement cette oeuvre. Et cela ne peut pas leur faire de mal. Arrêtons de vanter les vertus de Twilight et de ses personnages "si profonds" (rires) et osons retourner aux classiques du genre. 


Antoine Tintin 

lundi 8 avril 2013

La savante bêtise

KEYES (D.), Des fleurs pour Algernon,
Paris, J'ai lu, 2001. 

PAGE (M.), Comment je suis devenu stupide,
 Paris, J'ai lu, 2002. 



                        











     






     L’intelligence, qu’est-ce que c’est ? Émile Littré la définit comme suit : « Qualité de ce qui est intelligent ; faculté de comprendre. » Mais finalement, c’est quoi être « intelligent »? Est-ce que le niveau d’intelligence est fixé dès la naissance? C’est quoi, être un « génie »? Sommes-nous tous intelligents de la même façon?

     Un singe qui résout un problème pour attraper une cacahuète et qui trouve la solution peut être considéré comme intelligent. Or, si un humain résout le même problème, il ne sera pas considéré comme quelqu’un de plus futé qu’un autre. L’intelligence est le résultat du bon fonctionnement de différentes fonctions cognitives : on parle donc d’intelligences au pluriel. Selon les psychologues, l’intelligence est la capacité à avoir un comportement dirigé vers un but. Donc, en principe si un homme trouve la solution à un problème pour avoir une cacahuète, il est considéré scientifiquement comme étant intelligent, doué de raison.

     Pourtant, dans les faits, ce n’est pas si simple. L’intelligence est maintenant soumise à des critères et est « mesurable » au moyen de test de QI. Toutefois, ces tests ne sont pas socialement neutres : en effet, ils évoluent en fonction des populations de référence. Les tests QI ne montrent pas la créativité, l'adaptation sociale, la capacité à gérer les émotions, etc. L’intelligence est donc dépendante de la société et tout acte sera considéré comme intelligent si et seulement s’il est adéquat à la situation.

     Je ne dis pas que les troubles de l’intelligence, comme les personnes arriérées ou autres, n’existent pas; je dis que l’interprétation sociale (et non scientifique) du mot « intelligence » devrait être revue.

     Vous vous demanderez quelle est la raison de cette introduction un peu ennuyante. Je voulais simplement repréciser les choses avant d’aborder la comparaison de deux romans :

  • KEYES (D.), Des fleurs pour Algernon, Paris, J’ai lu, 2001.
  • PAGE (M.), Comment je suis devenu stupide, Paris, 2002.
     Avec Des fleurs pour Algernon, nous sommes plongés dans la vie de Charlie Gordon, un adulte arriéré. Il va être pris comme sujet pour une étude chirurgicale quant à l’amélioration des capacités cognitives et va servir de cobaye à une opération. L’essai a déjà été mené : Algernon, une ratte, résout maintenant des labyrinthes de plus en plus complexes sans se tromper. L’opération se passe sans souci. Commence alors pour Charles une montée dans les sphères de la connaissance : il apprend vite et retient tout. Pourtant, comme pour toutes choses, l’intelligence a un prix. Un jour, les facultés d’Algernon commencent à décliner et la ratte finit par mourir. Comment faire quand on a conscience de son déclin ? Charlie continue à vivre, comme il peut.
 
     Dans Comment je suis devenu stupide, Antoine, le protagoniste, n’en peut plus de son intelligence. Il est diplômé dans de nombreuses filières, mais sa capacité à penser lui gâche l’existence. Il décider d’arrêter de penser... mais comment faire ? L’alcool ne lui va pas : il fait un coma éthylique après son premier verre ; la mort ne le tente pas... Il ne reste que l’acte suprême : devenir stupide. C’est sous Heurozac que commencent sa nouvelle vie et ses nouveaux passe-temps.
 
     Pourquoi avoir choisi de comparer ces deux textes ? Pour la simple et bonne raison qu’ils mettent tous les deux en avant les vices de l’intelligence. Alors que l’un rêve de devenir intelligent, l’autre souhaite vivre bête.
     Dans les deux romans la même structure est utilisée, mais est l’un est forcément l’opposé de l’autre : Charlie passe de l’état d’arriéré mental à l’état de génie, pour retourner à l’état d’arriéré mental ; Antoine passe de l’état de génie à la bêtise, pour en revenir à l’état de génie.
 
     Les deux personnages sont pris d’hallucinations à un moment ou l’autre de l’histoire. Charles croit voir Charlie – c’est-à-dire lui avant l’opération – à travers une fenêtre à différents moments importants ; Antoine, quant à lui, finit par voir le fantôme de Dany Brillant.
 
«- Erreur, Tony : je suis le fantôme de Dany.
- Dany Brillant est mort ?
- Non.
- Alors comment pouvez-vous être son fantôme ?
- Je suis un fantôme prématuré. Ça arrive. Je n’apparais que quand le Dany Brillant vivant dort.
- Vous plaisantez.
- Hé nan, Tony. Touche-moi.
[...]
- J’ai compris, dit Antoine en se reculant, vous êtes un pervers. »
         PAGE (M.), Comment je suis devenu stupide, Paris, J’ai lu, 2002, p. 109.

     Je profite de ce court extrait pour mettre en avant une des différences fondamentales des deux récits : l’humour. Le texte de Martin Page est rempli d’humour noir et de comique de situation ; la lecture n’en est que plus agréable. En effet, même si Antoine utilise des termes techniques, même si des théories et des descriptions scientifiques trouvent leur place, le roman est léger et c’est un véritable plaisir de le lire surtout pour les amateurs d’humour fin. « SPTPTM, Suicide pour tous et par tous les moyens, bonjour ! [...] Il n’y a pas de cours cette semaine suite à la merveilleuse pendaison du Pr. Edmond... »
 
     Le roman de Keyes est beaucoup plus sérieux. Nous suivons à tout moment le traitement de Charlie et ses effets ; le ressenti, parfois douloureux, du « nouveau génie »... Tous les mots sont pesés avec soin et en deviennent parfois pesants. Malgré cela, ce travail stylistique joue en faveur de l’histoire. Puisque le roman est en fin de compte le journal intime de Charlie, nous pouvons voir sa progression (moins de fautes d’orthographe, utilisation de la ponctuation, etc.) vers son apothéose (vocabulaire très varié, etc.) pour en finir, comme susdit, à son déclin (disparition de la ponctuation, réapparition d’une orthographe oralisée, etc.).
     Le sérieux du livre Des fleurs pour Algernon joue aussi avec l’empathie du lecteur. Les dernières pages sont douloureuses à lire parce qu’on a l’impression d’avoir accompagné Charlie du début à la fin d’une vie, celle où il était l’Homme le plus intelligent de la Terre.
 
     Une autre différence fondamentale entre les deux récits de vie est le genre et, de fait, la manière dont ils sont narrés. Comment je suis devenu stupide est là biographie fictionnelle du personnage d’Antoine ; l’histoire est racontée au moyen du pronom personnel « il ». Des fleurs pour Algernon est un journal intime fictionnel lui aussi et se base sur l’utilisation du « je » intime. Nous avons donc, d’un côté, l’histoire objectivée d’un homme stupide et, de l’autre, l’histoire subjectivée d’un homme intelligent.
 
     De nombreux autres points de comparaison pourraient être soulevés entre ces deux romans, comme le rapport du protagoniste avec les relations sexuelles ; la gestion des sentiments ; le rapport  à la religion ; etc. Toutefois, je les laisserai de côté pour le moment... Selon moi, l’essentiel est dit.
 
    Je terminerai en disant que ces deux romans montrent bien la subjectivité de l’intelligence comme j’essayai de l’aborder au début de cette comparaison. Charlie n’était-il pas plus intelligent qu’Antoine en voulant travailler et en voulant se dépasser. Cependant, n’était-il pas plus bête qu’Antoine de le faire pour plaire inconsciemment aux attentes de sa mère, dont il n’avait plus de nouvelles depuis 17 ans ? 

Antoine Tintin 

jeudi 28 mars 2013

Serres, reine des prés-anteries


SERRES (K.), Marguerite, reine des prés, Paris, L´École des Loisirs, coll. « Théâtre », 2002.

LA QUATRIÈME DE COUVERTURE
Quelque part à la campagne, la famille Bourgol.
     La mère, Muguette. Elle perd ses cheveux et elle préparer Marguerite à un concours pour en battre des vaches. Elle en fera une star !
     Le père, Gilbert. Il est d’accord pour engraisser Marguerite. Faut qu’elle gagne.
     La voisine, Greta. Autrefois cantatrice, elle vient tous les jours chez les Bourgol boire le café et prendre des nouvelles.
     Le fils, Ludovic. Il déteste sa famille, parle anglais et tricote un cache-nez pour séduire une fille. Il s’inquiète très fort pour Marguerite... sa sœur !
     La fille, Marguerite. Où est-elle ? Que fait-elle ? Entend-elle ?
LA DÉCEPTION 

     Je ne m’attarderai pas sur ce livre. Je souhaite simplement relever deux-trois choses qui me semblent assez étranges et qui, finalement, corrompent tout la pièce.

     La première chose est la suivante : Qui sont ces personnes ? Des humains ? Des semi-vaches ? Des bovins purs et durs ?  Ludovic explique même à un moment qu’il aimerait toucher les bras de Marie-Ange parce qu’ils sont fins et forts poilus (p. 18). Peut-être ai-je un problème avec cela, peut-être que ce livre est "anormal"... Mais, bon sang, qu’est-ce que c’est que cette histoire de désir parce qu’elle a les bras velus ? J’ai eu l’occasion de faire lire cet extrait à mes élèves dans le cadre du cours de français en 1re année générale. La réaction fut la même : « C’è kwa st’histoir msieur » ?
     La deuxième, quant à elle, est tout aussi interrogatrice : le livre est classé par l’École des Loisirs comme livre traitant le sujet de l’anorexie/boulimie. En quoi sommes-nous là dedans ? Certes, nous avons un personnage en proie avec son poids et qui ne peut rien faire pour y échapper, puisque ses parents l’engraissent. Cependant, en quoi cela concerne-t-il les troubles du comportement alimentaire susmentionné? J'ai dû passer à côté de la véritable raison, mais j'étais absorbé par le dilemme homme ou vache.

     De plus, l'amourette entre Gilbert et Greta était tout sauf pertinente : elle ne dure que quelques pages et puis plus rien, même pas un seul mot. Décidément, je ne comprends pas Karin Serres et ses plaisanteries à répétitions. 

     Quoi qu'il en soit, j'aurais souhaité qu'on demande à Brigitte Smadja la raison d'une telle pièce. Qu'est-ce qui lui a plu? Est-ce ce côté ambigu et bourré d'humour noir? Je le redis, mais je suis véritablement déçu de cette lecture.

PREMIÈRE EXPERIENCE TOURNANT AU VINAIGRE

     Ma première expérience avec le théâtre pour adolescents aura été tout sauf concluante. Toutefois, je ne me décourage pas et c'est avec joie que je me plongerai dans la pièce Le Diable la Jeune Fille et le Moulin. Espérons seulement que je puisse vous en rendre un avis favorable.

     En tout cas, j'ai vraiment été satisfait de découvrir cette collection et de pouvoir ainsi plonger mes élèves (comme ce fût le cas à ce stage-ci) dans l'univers de la scène. Ils ont véritablement laisser séduire par la facilité et par la drôlerie de certains extraits que je leur avais proposés. Un de ces jeunes m'a même demandé  s'il pourrait trouvé le livre en bibliothèque car, contre toutes attentes, il avait envie de le lire.

     Brigitte, tu fais du bon boulot ! 

Antoine Tintin

mardi 26 mars 2013

Junk, un livre pour toutes les Marie Rouana du monde


BURGESS (M.), Junk, Paris, Gallimard, coll. : « Scripto », 2002.
Bonjour, je m’appelle Antoine et je suis drogué [à ce livre].  

     Dr House, Weeds, Fish Tank, Requiem for a dream... Quelques-uns des exemples qui prouvent que dans notre société du 21e siècle, le mythe de la drogue et de l’alcool n’en est plus un ; c’est une réalité nocive menant le troupeau de ses adeptes dans un état léthargique. Que faire alors avec les jeunes, comment les sensibiliser ? C’est à partir de là que Junk va nous permettre une approche de ces assuétudes. 

     Nico, 14 ans, décide de s’enfuir de chez lui où, chaque soir, il retrouve un père violent et une mère alcoolique. Dans sa course, il entraîne Gemma, sa petite amie : elle est intéressée par l’aventures et les expériences. Ils vont rencontrer d’autres jeunes dans leur cas et, de fil en aiguille – sans mauvais jeu de mots – ils vont toucher à la cigarette, puis au joint pour en finir à l’héroïne.

« Je lui ai tendu un paquet de Benson.
- Cigarettes ?
- Non merci, je ne fume pas.
- Tu y viendras, j’ai répondu.
Presque tous ceux qui vivent dans la rue fument.
- Vos poumons vont être noirs de nicotine, il a dit. »
BURGESS (M.), Junk, Paris, Gallimard, coll. : « Scripto », 2002, p. 39.

     Cent vingt-quatre pages plus tard, Nico touche pour la première fois à l’héroïne et commence pour lui une longue descente aux Enfers.

« Puis j’ai pensé : « Qu’est-ce que j’ai à perdre ? »
Rob m’a tendu le briquet, je l’ai allumé, je l’ai placé sous la feuille et j’ai regardé la poudre blanche se transformer en une petite pâte marron qui roulait le long de la pliure. Puis j’ai dit « Glop » et... »

BURGESS (M.), Junk, Paris, Gallimard, coll. : « Scripto », 2002, p. 163.

     Mais Nico n’était pas destiné à devenir un héroïnomane. Sans Gemma, je suis persuadé que sa fugue aurait été tout autre. Il aurait bien sûr rencontré les mêmes personnes... mais il ne se serait jamais rapproché de Lily et Rob ; il n’aurait pas été incité à toucher à l’héroïne (p. 162) ; il n’aurait pas fini par toucher le fond ; il ne serait jamais allé en prison. Gemma a été tout sauf un trésor pour Nico. Elle disait l’aimer, mais cela n’est pas vrai. Elle aimait l’Homme Titane... celui qui a osé quitter ses nouveaux amis dont Richard pour la rejoindre elle et se cloîtrer dans les coulisses des ténèbres.

     Je le disais, j’ai vraiment été surpris positivement par le roman. Ce livre, écrit il y a quinze ans, reste incroyablement actuel. Comme je le disais, de plus en plus de jeunes sont livrés à eux-mêmes et finissent dans les filets de l’alcool ou de la drogue. Pourtant, la première réaction face à ces assuétudes est le reproche et non la prévention. Pourquoi des jeunes aux USA aient décidé de tremper des tampons dans de la vodka et puis de se les mettre dans le ***, histoire d’être directement bourrés et de faire davantage la fête. Comment se fait-il que le problème d’alcool chez les adolescents au Royaume-Unis et dans bien d’autres pays soit aussi important, voire en hausse ? Pourquoi la jeunesse actuelle ne rêve que de soirée « Projet X » ou « Skins » ? Voilà bien des questions posées par la société... Qu’en trouverons-nous un vaccin à la maladie Drugs? Je trouve qu’en cela ce livre mérite d’être lu par nos futures classes.

     Toutefois, je l’ai déjà dit en classe, je n’ai pas aimé la morale du livre, et la réaction de mon frère a été la même après qu’il ait lu le ce récit. La fin est un bad trip. Nico, le jeune garçon battu par son père et vivant avec une mère alcoolique fuit. Jusque là, OK. Toutefois, il n’arrivera jamais à s’en sortir... Il finira en prison et loin de sa fille. Gemma, quant à elle, fuit ses parents qui ne lui font absolument pas vivre un enfer. Elle finira par rentrer chez elle, ses parents lui pardonneront et le monde de la drogue restera dans son passé. En somme, l’erreur de Gemma lui est pardonnée et la vie douloureuse de Nico continuera à le poursuivre et en fera un junkie.

     Pour sortir des films classiques en ce qui concerne les assuétudes, je vous conseillerai « Fish Tank » dont l’héroïne Mia est une adolescente, vivant avec une mère violente et une jeune sœur horriblement grossière, et dont l’action se passe dans le comté d’Essex, près de Londres. Une autre manière de comprendre pourquoi les jeunes peuvent tomber dans ces assuétudes et un film de qualité que je vous conseille vivement. 


Antoine Tintin

samedi 23 mars 2013

BRI-GIT-TE !

 
Céline - Charlotte - Soukaïna - Océane - Clelia - Maurane - Linda - Antoine.
Il manque Emilien, Raphaël et Julie pour que le groupe de travail soit au complet. 
     Deux mots sont nécessaires et permettent de dresser la liste exhaustive de la rencontre avec Brigitte Smadja : Mon Dieu... voire Ma Brigitte.

     Autant j'ai pu trouver son livre Rollermania fade et sans intérêt, autant le personnage même qu'incarne cette auteure est épicé et digne de toute attention. Une femme dynamique, pétillante, indépendante et... locace!

     J'avoue que, et ce sentiment est partagé par d'autres, je ne savais pas sur qui nous allions tomber. On nous avait décrit l'auteure, mais pas la personne. Etait-elle froide et hautaine ou au contraire brûlait-elle avec la même chaleur que les sols tunisiens? Le pari était fait : je l'imaginais grande.

     Erreur monumentale (sans mauvais jeu de mots) : Brigitte Smadja est toute petite. Mais sa force de caractère, a contrario, est plus que gigantesque. En somme, que de surprises... Qui plus est qu'il a fallut qu'elle se retourne vers moi pour me demander de la faire se taire si elle venait à trop parler.

     Les activités ont débuté et Brigitte s'est lâchée. Il lui a fallu plus ou moins 30 minutes pour répondre à trois simples questions. Pourtant, le temps n'était plus une donnée à prendre en compte : elle avait l'art de nous plonger dans ses propos et de nous faire vivre de ses mots. Ce n'est pas une auteure excellente pour rien.
 
      Je pense que, dans l’ensemble, la rencontre s’est bien passée. Elle fut très enrichissante à tous les niveaux : qu’ils concernent la littérature de jeunesse, le milieu de l’édition, le métier d’enseignant, les difficultés d’intégration que peuvent ressentir certains jeunes, etc.

    Toutefois, nous le savons tous, rien n’est parfait. Le vice se trouvait ici dans le temps qui malheureusement est passé trop vite et n’aura pas duré assez longtemps. Je peux comprendre que sa visite liégeoise ne se limitait pas qu’à nous, mais je regrette le timing imparti. Deux heures... À peine le temps de dire : « Bonjour ! » que l’ « Au revoir ! » nous rattrape.

     Quoi qu’il en soit, je tenais à vous remercier pour tout ce que vous avez mis en place afin de garantir 1) la rencontre et 2) le bon déroulement de la rencontre. Je conçois que la tâche était ardue et que la préparation qu’elle a nécessitée vous en aura fait voir de toutes les couleurs. Pourtant,  le résultat est concluant : un moment incroyable ! En somme, une rencontre que le temps n’oblitèrera pas !

     D’un point de vue pédagogique, et ce dans les rencontres que j’organiserai plus tard (car oui, ce principe est plus qu’enchanteur), j’essayerai de mettre ceci en place :

- Je garderai le principe des activités ludiques et littéraires pour la rencontre avec l’auteur. Cela permet aux élèves de pouvoir s’investir davantage qu’à travers une série de questions-réponses qui n’ont parfois ni queue ni tête.

- Je garderai le fonctionnement en sous-groupes, mais je me débrouillerai pour en fixer un nombre précis. Nous l’avons vu lors de la rencontre : trop de groupes = trop de temps perdu. Car il ne faut pas oublier que l’auteur est là pour communiquer avec nous et autour de ces activités. Et quand on a la chance de tomber sur quelqu’un ressemblant de près à Brigitte Smadja, le temps se perd facilement.

- J’essayerai aussi d’assurer un échange de lettres avant la rencontre afin que les élèves puissent s’offrir personnellement à l’auteur et non à travers le groupe-classe. L’auteur, s’il leur répond, pourra également s’offrir aux différentes personnalités de la classe et les toucher individuellement. La rencontre, en tant que telle, devrait pouvoir se faire dans les deux sens : l’élève va vers l’auteur et ce dernier va vers l’élève.
 
     Je terminerai sur quelques notes musicales. L'air et certaines paroles me font vraiment penser à l'auteure qui, à l'instar de cette chanson, est vraiment dans un autre monde, monde où elle nous a aimablement invités.


" Waiting for hope babe
There's no more light in my sky! "
Antoine Tintin