- SMADJA (B.), Il faut sauver Saïd, Paris, L’École des Loisirs, coll. « Neuf », 2003.
- SMADJA (B.), J’ai hâte de vieillir, Paris, L’École des Loisirs, coll. « Medium », 1993.
- SMADJA (B.), Rollermania, Paris, L’École des Loisirs, coll. « Medium », 1999.
Le but de l’activité, quant à lui, est plus ardu. L’auteure va devoir
tout d’abord se rendre compte qu’il s’agit de dialogues de ses livres ;
elle devra ensuite essayer de deviner de quels livres viennent les dialogues
et, qui plus est, retrouver un maximum de personnages.
Bien entendu, le côté humoristique de la saynète est la conséquence
majeure de l’assemblage, à l’instar des surréalistes, de dialogues sortis de
leur contexte originel.
SONGE D'UNE JOURNÉE PRINTANIÈRE
Brigitte Smadja rentre en classe. Elle
porte des lunettes de soleil et tient un magazine féminin; elle est en
heure de fourche. Brigitte Smadja dispose quelques feuilles sur les bancs pour
l’interrogation à venir. Elle va se rasseoir à son bureau, puis se plonge dans
son magazine... Somnolente.
BRIGITTE SMADJA (à voix basse, derrière son magazine) : C’est fou ce que je
suis fatiguée. Pourvu que mes petits anges soient calmes. Dès que je rentre, je
m’en irai rejoindre le Pays des
merveilles. (Rêveuse) J’espère
que cet exercice sur la description dans la fiction va leur plaire et qu’ils
ont enfin compris le pouvoir des expansions nominales. (Se replonge dans son magazine) Oh ! quelle jolie photo de Val
Cento.
Brigitte Smadja continue à lire son
magazine, dans le silence le plus total. Jusqu’au moment où les voix s’élèvent
et s’entrechoquent. Surprise, elle relève la tête pour voir d’où vient le
brouhaha.
TAREK :
Saïd, j’ai à te parler. Rendez-vous sur le parking derrière l’arbre.
ALEX (avec un accent bien prononcé) :
What the fuck are you doing man ?
ANTOINE (choqué) : Tarek, t’es un
taré !
MARIE :
Tu me dégoûtes !
ANTOINE (regardant Saïd) : N’y va pas,
défends-toi... C’est ton cousin, je sais...
SAÏD :
Mais non, on y va. Tu as eu de mauvaises informations, c’est tout.
KARIM (dénigrant Antoine) : T’as raison
toi, t’as pas voulu y aller, trop crade pour la princesse.
TAREK (à Saïd) : Tu vas faire exactement
ce que je vais t’expliquer.
Saïd se lève, Antoine le rattrape.
ANTOINE : Qu’est-ce que t’as Saïd, t’es
malade ?
Alex enchaîne.
ALEX :
J’ai rencontré un mec, à la balade du vendredi soir.
MARIE :
C’était un moment sympa, non ?
ABDEL :
Mais ouais, Alex c’est la reine de la nuit, elle a tous les mecs qu’elle veut.
TAREK :
Elle est bien cette meuf finalement.
MARIE :
Parce qu’avant je n’étais rien ?
KARIM :
Pas toi !
ALEX (commençant un long soliloque) : Des
exclus, des incompris, persécutés, martyrisés, pourchassés par des barbares
dégénérés...
ANTOINE (la coupant et s’adressant à tout le monde) :
Elle perd la boule ou quoi ?
MARIE (ironique) : C’est tellement évident
qu’elle a changé ?
ABDEL :
Bon Alex, t’arrêtes ton cinéma débile.
KARIM (reprenant le discours d’Alex) :
Toujours les mêmes tarés dont tu m’as parlé au début de l’année ?
Tarek se rapproche de Marie et commence à vouloir lui caresser les
cheveux.
MARIE (énervée) : Ne me touche pas. Ça marche plus. Je m’en
fous.
Abdel attrape les deux bras de Marie tout en rigolant. M. Théophile
rentre.
M.THÉOPHILE (d’une forte voix) :
Bande de salauds. Bande de lâches. Quel exemple vous donnez à vos petits
frères ? Criminels !
ANTOINE (à Marie) : Il va les éclater.
KARIM (d’une voix perverse en se moquant de Marie) :
C’est galère... le grand écart.
SAÏD :
Si tu touches à ma sœur, je te tue.
ALEX (avec un accent bien prononcé)
: What the fuck are you doing man ?
Brigitte Smadja enlève ses lunettes de
soleil. Elle se frotte les yeux pour mieux voir. Elle est très surprise car
elle ne reconnaît pas ses élèves. Elle continue à écouter ce que les jeunes devant
elle se disent. Marie est choquée.
KARIM :
Tu dramatises toujours. T’es vraiment du genre à t’angoisser comme nana. Allez
Marie, ne fais pas cette tête.
TAREK :
Tu es un bon à rien, tu me fais honte.
Antoine change de sujet.
ANTOINE (triste) : Mes parents s’aiment beaucoup,
mais ils ne s’aiment plus.
SAÏD :
Ils n’ont pas l’air de plus s’aimer, ils ne se disputent pas, ils ne se
regardent pas en chien de faïence.
KARIM (en dehors de la conversation) : On n’est pas amoureux
quand on est mômes.
ALEX :
Arrête, t’es dur là.
M.THÉOPHILE (dépité) : Parce que
ce n’est pas ton secteur. Quelle stupidité !
ABDEL :
C’est quoi ces conneries que t’as racontées ?
ALEX :
Tu peux pas comprendre, Abdel, t’es comme moi, tu fais du latin, tu rates une
grande partie des nouvelles.
SAÏD :
C’est super !
ABDEL:
Qu’est-ce que c’est que ce truc ? C’est naze, où t’as trouvé
ça ?
TAREK :
Tu es un bon à rien.
SAÏD :
J’ai pas choisi, c’est pas de ma faute.
M.THÉOPHILE (dévisageant Tarek) :
Je ne te lâcherai pas, Saïd. Tu peux compter sur moi.
TAREK (imitant M. Théophile, mais avec l’accent
arabe) : Tu es un bon élève ...
ABDEL :
... Tu es petit ...
TAREK (imitant M. Théophile, mais avec l’accent
arabe) : ... Ce sera très facile.
SAÏD (en colère face à la méprise de Tarek) :
On n’est pas français nous ?
KARIM : Il y a pire comme maladie. Il y a le
sida ou pire encore : la ménopause.
ABDEL :
Je sais pas.
M.THÉOPHILE (narguant) : Vous
devriez mieux tenir votre classe Madame Smadja. (Il secoue Brigitte Smadja qui commence à se réveiller).
Brigitte ! Brigitte ! Bri-git-te !
BRIGITTE SMADJA : Mais
voyons, que se passe-t-il ?
M. THÉOPHILE : Vous dormiez... Vos élèves vous attendent. Je ne
sais quel songe vous avez pu faire, mais il est l’heure de retrouver la
réalité.
Antoine
Tintin ■
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