mardi 4 décembre 2012

Jennifer Jones et Jack Burridge, ou le droit au pardon


CASSIDY (A.), Jennifer Jones,
Toulouse, Milan, coll. : " Macadam", 2006.

TRIGELL (J.), Jeux d'enfants (Boy A), Paris, Gallimard, coll. : " Folio policier", 2004.
LES QUATRIÈMES DE COUVERTURE
Au moment du meurtre, tous les journaux en avaient parlé pendant des mois. Des dizaines d'articles avaient analysé l'affaire sous tous les angles. Les événements de ce jour terrible à Berwick Waters. Le contexte. Les familles des enfants. Les rapports scolaires. Les réactions des habitants. Les lois concernant les enfants meurtriers. Alice Tully n'avait rien lu à l'époque. Elle était trop jeune. Cependant, depuis six mois, elle ne laissait passer aucun article, et la question sous-jacente restait la même : comment une petite fille de dix ans pouvait-elle tuer un autre enfant? (Jennifer Jones). 
Qui est Jack? Qui est-ce jeune homme accompagné d'un tuteur jouant les pères adoptifs? Qui est cet adolescent mal dégrossi au comportement infantile, parfois touchant de maladresse, qui semble découvrir un monde qui lui fait peur et lui est résolument hostile? Que cherche-t-il à cacher et pourquoi vit-il sous une fausse identité alors que les tabloïds anglais traquent un "monstre"? La rédemption est-elle possible lorsque l'irréparable a été commis? Comment trouver une place lorsque l'on est devenu la bête noire d'une société vindicative et puritaine nourrissant les tuteurs nécessaires à sa soif de sang?... (Jeux d'enfants).  
 COMPARAISON NON-EXHAUSTIVE ENTRE CES DEUX ROMANS 

Tout d'abord... pourquoi cette comparaison? Tout simplement, parce qu'il est indéniable que Jennifer Jones partage un lien hypertextuel avec Jeux d'enfants... Lien qui m'a sauté aux yeux lors de la lecture de ce roman d'Anne Cassidy. J'ai repris dans le tableau ci-dessous les points majeurs pouvant servir à la comparaison... 

Jack Burridge (Jeux d’enfants)
Jennifer Jones (Jennifer Jones)

  1. Protagoniste du roman. Il est aussi connu sous le pseudonyme de « A », Jack n’étant qu’un faux-nom qu’il s’est choisi.
  2. Il a commis un « crime horrible » alors qu’il avait 10 ans.
  3. Angela Milton est décédée... une enfant de l'âge de A
  4. Le livre commence peu de temps après sa remise en liberté.  Il va chercher à se reconstruire : il trouve du   travail, il se fait des amis, découvre l’amour, etc. Il va sauver une petite fille et faire la une en tant que « héros »... et c’est cela qui va le conduire à sa perte.
  5. Les journalistes sont là, essayent sans relâche de retrouver Jack Burridge.
  6. L'histoire se passe en Angleterre. 
  1. Protagoniste du roman. Elle est aussi connue sous le pseudonyme de « JJ » et sous les faux-noms « Alice Tully » et « Kate Rickman ».
  2. Elle a commis un « crime horrible » quand elle avait 10 ans, a passé 6 ans dans un établissement/prison et a été relâchée.
  3. Michelle Livingstone est décédée... une enfant de l'âge de JJ
  4. Le livre commence alors qu’elle a 17 ans et qu’elle essaye de se reconstruire (cela la conduira à suivre un cursus en Histoire).
  5. Les journalistes sont là, essayant sans relâche de retrouver Jennifer Jones.
  6. L'histoire se passe en Angleterre. 
  7. Elle n’a pas eu une enfance facile et aura beaucoup souffert de périodes d’abandon de la part de sa mère.

Ces deux romans, vraiment très intéressants, nous entraînent dans le totalitarisme de la presse. Les sociétés qu'ils nous font découvrir semblent suivre les médias les yeux fermés... mais la nôtre est-elle vraiment différente?  En fin de compte, le criminel et la presse ne sont-ils pas pareils, dès le moment où par leurs actions ils tuent l'Homme ! Pensons à ce fait d'actualité (07 décembre 2012) : une jeune infirmière s'est suicidée après avoir été piégée par des animateurs radios australiens. Ils se faisaient passer pour la reine Elisabeth et le prince Charles et voulait, soit-disant, prendre des nouvelles de la princesse Kate. Nous vivons dans l'ère des informations... Mais il ne faut pas oublier que nous devons être maîtres de celle-ci, et non l'inverse ! 

Mis à part cette thématique de la presse à scandale, les romans abordent la questions des "enfants meurtriers" et du contexte pouvant les amener à commettre ce genre de crime; ils soulèvent la question du pardon et de la difficulté de se reconstruire... Nos erreurs passées vaudront toujours plus que nos actes présents et futurs, aussi bons soient-ils ! Le personnage de Jack s'inspire d'un ami de Jonathan Trigell ayant été placé dans un centre de détention pour mineur -pour un simple délit et non pour un crime de sang comme dans le livre - et dont la réinsertion dans la société fut loin d'être aisée. 

QUEL EST/SONT LE(S) GENRE(S) DE CES ROMANS? 

Policier : Tous les ingrédients du policier sont là et déjà connus (sauf le mobile). Le genre comporte six invariants : le crime ou délit, le mobile, le coupable, la victime, le mode opératoire et l’enquête (in CENTI (V.), notes du cours de Littérature de jeunesse, Haute Ecole Charlemagne - Les Rivageois, 2011 - 2012). 
Réaliste : Il y a des éléments du roman réaliste dans ces deux textes. La société n’est-elle pas régie par la presse ? Et n’est-ce pas cette même presse qui peut faire perdre son humanité à un homme ?

Social : Il y a un véritable intérêt porté au regard de l’autre sur notre propre vie. Et comme Gallimard le dit de Jeux d’enfants : «  La rédemption est-elle possible lorsque l’irréparable à été commis ? Comment trouver une place lorsqu’on est devenu la bête noire d’une société vindicative et puritaine nourrissant les tueurs nécessaires à sa soif de sang ? » Pourtant, dans ces deux romans, le coupable n’est qu’un enfant qui n’est peut-être pas toujours si fautif que cela... Pensons par exemple au contexte social de Jennifer Jones, délaissée par sa mère.  

DES PISTES POUR LES ABORDER EN CLASSE?

Ces romans peuvent être exploités en classe dans le cadre du récit policier bien entendu, même s’ils ne respectent pas vraiment le récit traditionnel (où le coupable n’est démasqué qu’à la fin).  

On pourrait également utiliser ces deux romans, et c'est pour moi la meilleure manière de les aborder, afin d'introduire une séquence sur l’argumentation. Ils permettent d'amener une réflexion chez  les élèves... Pourquoi ne pas leur poser quelques questions d'interprétation/réflexion et, bien entendu, de justifier leur(s) réponse(s) :
  • Penses-tu qu’Alice est coupable de ce qu’elle a fait quand elle était enfant ?
  • Penses-tu que Jack mérite de vivre en paix, même s’il a commis un crime étant enfant ?
  • Penses-tu que nous avons tous droit à une seconde chance ?
  • Que doit-on faire des ex-détenus ?
COMMENTAIRE(S)

Jeux d'enfants a été adapté en 2007 au cinéma par John Crowley, avec Andrew Garfield dans le rôle de Jack. Ce film a reçu le Prix du Jury oecuménique au Festival de Berlin. Il a également raflé quatre récompenses au Festival du Film Britannique de Dinard.

Le film peut bien entendu être abordé en classe, mais pas avec un public trop jeune... La douleur que peut éprouver le héros est d'autant plus flagrante quand on la voit en images ( un lecteur moins habile ne percevra pas forcément le ressenti du protagoniste). Quoi qu'il en soit, pour les cinéphiles avertis, le film est un incontournable !

Quoi qu'il en soit, je vous conseille VIVEMENT de prendre le temps de vous posez avec ces livres entre les mains et, pourquoi pas, avec une bonne tasse de thé fumante?

Bande annonce de Boy A de CROWLEY J., adapté du livre de Jonathan Trigell.

Antoine Tintin  

3 commentaires:

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  2. Quelles ressemblances troublantes ! Peux-tu me donner la date d'édition de "Jeux d'enfants" ?
    Bonne analyse des médias Antoine... et ta comparaison avec le fait divers est percutante... (Attention : petite erreur dans ton tableau, tu parles de JJ dans la colonne de Jack - un copier-coller un peu rapide certainement...)
    J'ai bien l'impression que tu as déjà parcouru le cours de 2e d'un ancien étudiant, non ? Bonnes pistes, en tout cas.

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  3. J'ai eu l'occasion d'en entendre parler Cécile Bourgraff l'an passé.

    Le livre "Jeux d'enfants" est paru en 2004.

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